Confinement J-7

A J+5, on sort à peine de ce sentiment étrange d'être dans un épisode de Black Mirror. On s'est vaguement organisé et on a du prendre certaines décisions. Ce moment est exceptionnel, extra-ordinaire au premier sens du terme. Je me dis qu'il faut écrire, au fur à mesure parce qu'après on ré-inventera ce moment là, on l’empirera, on le sublimera. Alors que là, on est au commencement de quelque chose qu'on n'a jamais vécu.

Petit retour en arrière, quelques jours avant le confinement.

On sent bien que la pression monte et qu'il va y avoir des annonces. Le week-end d'avant, on était encore au Louvre, mais un Louvre vidé de ses visiteurs, ambiance étrange. Depuis on est passé au niveau supérieur. La fermeture des écoles a été annoncé et en quittant le boulot vendredi, on est bien parti avec toutes ses affaires, parce que clairement, on avait peu de chance de revenir lundi. 

On voit ce qui se passe en Italie, on se dit que ça ne va pas tarder à nous tomber dessus, mais allez savoir pourquoi, pas vraiment de la même façon... 

Et puis ça y est, samedi soir, à partir de minuit, tous les commerces - sauf alimentaire et pharmacie - doivent fermer. Le lendemain, on a sorti les enfants au parc... On parle du confinement, d'une annonce proche, on se dit qu'on va naviguer entre Paris et la campagne... On plane quoi ! Et là, je croise ma voisine en stresse et ça me réveille. "Mais tu rêves ma cocotte, confiné, c'est confiné. Il faut respecter les consignes. Et non, tu ne pourras plus sortir de Paris". Ça monte d'un cran ! On croise aussi nos amis soignants, et là grosse claque encore. La situation est grave, non ça ne touche pas que les vieux, oui il est impératif de rester chez soi pour la sécurité de tous. Ok, ça va se durcir, et c'est normal, c'est important. 

Nous c'est décidé, on va quitter Paris dès l'annonce de confinement.

Je ne veux pas partir avant, je ne suis pas à l'aise avec mon travail. On ne nous a pas encore dit de rester chez nous. On a autorisation de télétravail illimité si besoin mais le site n'est pas fermé. C'est très ambiguë. On est très inquiet de ne pas pouvoir produire ce mois parce qu'on sait que le mois prochain sera pire et que les investisseurs seront sur notre dos. Déclaration ambiguë donc. Je serai plus à l'aise pour partir une fois le confinement déclaré.

Sentiment très étrange de préparer un départ sans date de retour. Le confinement est annoncé pour 15 jours mais on sait que ce sera plus, on imagine au moins un mois. Et on pense à des questions mineur du quotidien, on se demande quoi faire avec nos plantes... Plus sérieusement, on pense à notre famille, nos copains. J'aimerais leur proposer de venir chez nous à la campagne mais ce n'est pas possible, pas de regroupement, et puis les uns sur les autres pendant des semaines ça sera ingérable. Mais ça fait chier d'avoir ce genre de pensées. On n'ose pas imaginer comment on serait, ferait, en vraie situation de guerre...

Le confinement commence à midi, on va partir vers 11h. On charge la voiture, on en a partout. Bizarre de quitter Paris dans ces conditions. C'est du jamais vu, globalement cette situation est du jamais vu. 

On devait partir en vacances à Pâques, tout était booké. Bien entendu, on doit tout annuler. En temps normal j'aurais été effondré, j'ai vraiment besoin de ces vacances. Mais là, c'est au delà de nous, ça nous dépasse. Il n'y a que ça à faire, c'est tout.

Voilà, on est parti. Va s'organiser maintenant la suite, inédite...